Plus les jours passent et plus Pékin réalise combien il est difficile de faire du business dans un pays instable comme le Niger. Certainement convaincue que sa posture de non-ingérence lui aurait valu la bienveillance de la junte de Niamey, Pékin réalise combien elle s’est fourvoyée dans son analyse.
En juillet 2023, lors du coup qui a renverse Mohamed Bazoum, Pékin s’est bien gardé d’en appeler à un retour de l’ordre constitutionnel comme elle l’avait fait, de façon inhabituelle il faut le signaler, en septembre 2021 lors du coup qui avait renversé Alpha Condé. Ayant certainement tiré les leçons de cette experience, elle s’était cantonné à sa posture légendaire faite de neutralité, exprimant l’espoir que le Niger et les pays de la région feraient usage de sagesse et de leurs moyens pour parvenir à une résolution politique de la situation.
Pékin avait certainement en tête son investissement, avec la China National Petroleum Corporation, de 4 milliards de dollars dans le pipeline d’Agadem et ne voulait pas contrarier le nouveau régime ni faire preuve d’une quelconque sympathie à son égard, étant donné qu’il existait encore une possibilité d’intervention militaire qui aurait pu rétablir le président Bazoun dans ses fonctions. Intervention militaire à laquelle elle n’a jamais exprimé ni soutien ni rejet.
L’éventualité d’un retour de Bazoun s’éloignant, Pékin devait faire avec la junte militaire au pouvoir. Une junte militaire qui n’avait exprimé aucune hostilité particulière à l’égard de la Chine. Son rejet de la France et bien plus tard des troupes américaines a laissé planer l’idée d’un régime qui s’alignerait sur les positions anti-françaises et anti-occidentales des régimes issus des coups dans le Sahel. Une situation qui n’était, dans le fond, pas de nature à inquiéter Pékin.
Cependant les inquiétudes de la Chine commencent à prendre forme dès août 2023 lorsque le patron de la junte, le général Abdourahamane Tiani, décide de poursuivre sur la lancée de son prédecesseur, en s’opposant à un réattribution du permis pétrolier de Bilma où la CNPC avait investi 300 millions de dollars au cours des dernières années et découvert une réserve de 150 millions de barils. En mars 2024, la junte finira par ré-attribuer le permis à la Société Nigérienne de Pétrole (Sonidep).
Plus tard en avril 2024, la junte, en difficulté financière, parviendra à obtenir de la CNPC qu’elle lui fasse un prêt de 400 millions de dollars USD remboursable sur douze mois avec un taux d’intérêt de 7%. Le prêt n’aura été possible qu’à la suite des menaces de la junte d’introduire des compétiteurs pour la commercialisation du pétrole d’Agadem.
En octobre 2024, rebelote ! De nouveau en difficulté financière, la junte impose un redressement fiscale de 106 millions de dollars USD à la Société national de raffinage de Zinder (Soraz), construite par la CNPC en 2011 et dans laquelle elle détient 60% des parts et l’Etat nigérien 40%. Ne pouvant pas payer la part de l’Etat, la junte exige que la CNPC s’acquitte seule de la facture.
Face à ce qui devient une situation de plus en plus difficile, la CNPC envoie, à la mi-octrobre, le patorn de sa branche internationale, Chen Jintao, à Niamey pour trouver une solution…sans succès.
Principale investisseur du pays, la CNPC se retrouve dans un environnement de plus en plus hostile face à un régime qui, certainement consciente de sa position de force face à la firme chinoise, n’hésitera pas à la menace d’expropriation ou de nationalisation. Une décision qui pourrait recevoir un soutien populaire.
Face à cette réalite, Pékin est quelque peu désemparée. Ne voulant certainement pas une confrontation avec le Niger, il y a très peu de chance qu’elle emmène la question devant des instances d’arbitrages internationales, craignant pour son image sur le continent.
Entre les tensions entre le Niger et le Bénin, où elle a joué les médiateurs; les menaces sécuritaires contre son pipeline portées par des rebelles proches de l’ancien président; et les menaces de la junte, la CNPC se retrouve à la merci d’un régime qui a décidé de faire d’elle sa vache à lait.
Cette situation explique en partie combien l’Afrique n’est plus la principale source d’approvisionnement de pétrole pour la Chine. La distance, les coûts et les risques ont fait le lit de la Russie et des pays du golfe comme principaux fournisseurs de Pékin.
Au Niger, la Chine subit autant les conséquences de l’instabilité politique que celles des limites de son approche en équilibriste évitant prendre partie.
Une chose est certaine, des situations comme celles-ci sont de nature à élever le risque profil du pays, de la région et à certain degré celui du continent.





