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Comment une Fintech chinoise crée des portefeuilles mobiles destinés à un milliard d’utilisateurs en Afrique

Un client au Nigeria utilise le service de paiement mobile PalmPay, une filiale du géant chinois de la téléphonie mobile Transsion, pour régler une transaction. Image via PalmPay.

Sur le marché animé de Lagos, un vendeur de poisson ne s’inquiète plus des faux billets : son QR code PalmPay lui garantit des paiements instantanés, confirmés par une alerte vocale en yoruba. À Johannesburg, une commerçante chinoise de vêtements reçoit des paiements en rands via Vodapay qui sont crédités en renminbi en quelques minutes, contournant ainsi les retards bancaires coûteux. Ces exemples vivants, tirés d’un rapport détaillé et analytique du compte WeChat Cape of Good Hope Observer (好望角观察), illustrent comment les portefeuilles mobiles transforment les moyens de subsistance en Afrique tout en approfondissant le commerce sino-africain.

Mais le rapport va au-delà des histoires de réussite et met en garde : les durcissements réglementaires, la concurrence accrue et la fragilité des infrastructures pourraient représenter de sérieux risques pour l’avenir de la fintech chinoise sur le continent.

Impact des portefeuilles mobiles sur les Africains

Les paiements mobiles transforment le quotidien de millions d’Africains. Au marché de Kokoro à Lagos, un vendeur de poisson qui comptait autrefois ses pièces trois fois par jour et redoutait les faux billets affiche désormais un QR code PalmPay sur son étal. Chaque paiement est confirmé par une alerte instantanée en yoruba. Les conducteurs de motos-taxis utilisent Opay non seulement pour encaisser les courses, mais aussi pour payer leur essence en chemin, gagnant ainsi des heures qui auraient été perdues dans les files d’attente des banques.

Dans les zones rurales du Kenya, un vieux paysan peut envoyer de l’argent à son fils en ville en déposant du liquide dans un kiosque de village puis en envoyant un SMS via M-Pesa, évitant ainsi deux heures de marche jusqu’à la banque la plus proche. Ces exemples montrent comment les portefeuilles mobiles offrent commodité, sécurité et accès financier là où les institutions traditionnelles restent hors de portée.

A customer sits at a kiosk next to a sign advertising M-Pesa, Safaricom’s and Airtel mobile money service, in Nairobi, on September 14, 2023. (Photo by SIMON MAINA / AFP)

Impact sur les entreprises chinoises en Afrique

Les commerçants et exportateurs chinois profitent également de l’essor des portefeuilles mobiles en Afrique. Un grossiste en vêtements à Johannesburg accepte désormais les paiements Vodapay en rands, qui apparaissent instantanément sur son compte en renminbi, supprimant l’attente de trois jours et évitant les 3 % de frais autrefois versés aux bureaux de change. Les exportateurs de Guangzhou, qui surveillaient jadis les taux de change avec anxiété, règlent désormais leurs commandes en quelques heures via Opay ou M-Pesa, réduisant les coûts de transaction de 3 % à 0,5 %.

Même les travailleurs chinois à l’étranger en ressentent les effets : les mineurs en Afrique du Sud économisent collectivement plus de 100 millions de dollars par an en transférant leurs salaires par Vodapay plutôt que par les canaux traditionnels. Pour les petits commerçants comme pour les grands exportateurs, les portefeuilles mobiles accélèrent les échanges et renforcent les liens commerciaux sino-africains.

Banques limitées, forte pénétration mobile

Le déficit financier africain est flagrant : au Nigeria, on ne compte que 0,8 agence bancaire pour 10 000 habitants, obligeant les vendeurs de marché à transporter des sacs de billets sur plusieurs kilomètres pour effectuer des dépôts, souvent au péril de leur sécurité. En parallèle, la pénétration du mobile dépasse 80 % sur le continent, beaucoup possédant plusieurs cartes SIM, y compris dans des communautés privées d’électricité fiable ou d’eau potable. Ce déséquilibre entre infrastructures bancaires faibles et omniprésence du téléphone explique la rapidité avec laquelle les portefeuilles mobiles se sont imposés.

Comment les entreprises chinoises ont introduit leurs solutions

Chaque plateforme adossée à des capitaux chinois a adapté son déploiement aux réalités africaines. PalmPay, de Transsion, était préinstallé sur des millions de téléphones à bas prix, avec des icônes simples et des alertes en langues locales qui rendaient le paiement numérique accessible aux novices. Opay, de Kunlun, a gagné la confiance en intégrant les paiements à des services utilisés au quotidien comme le transport ou la livraison de repas, puis a adapté ses fonctionnalités à la culture locale en permettant aux utilisateurs « d’épargner pour acheter des chèvres », un objectif bien plus concret que des fonds d’investissement abstraits.

Le géant chinois Ant Group, en partenariat avec Vodacom en Afrique du Sud, a lancé Vodapay comme coentreprise pour répondre aux exigences réglementaires strictes, alliant licences locales et technologie chinoise. Huawei, de son côté, s’est concentré sur l’infrastructure, construisant l’ossature SMS de M-Pesa afin de permettre même aux utilisateurs de téléphones basiques en 2G d’envoyer et recevoir de l’argent.

Adapter les services aux limites de l’internet et des infrastructures africaines

Pour réussir en Afrique, ces entreprises ont conçu leurs produits en tenant compte de la faible connectivité et des appareils de bas de gamme. PalmPay et M-Pesa ont intégré les codes USSD, permettant les transferts via de simples claviers sans connexion internet. Huawei a renforcé le système de M-Pesa pour gérer les pics d’activité liés aux jours de paie avec une disponibilité de 99,99 %, garantissant aux travailleurs de ne jamais subir de retard dans le versement de leurs salaires.

Les applications comme PalmPay sont restées légères, avec des transactions réduites à trois étapes, pour que même les personnes âgées dotées de smartphones rudimentaires puissent les utiliser. En résumé, la priorité a été donnée à la stabilité et à la simplicité, plutôt qu’aux fonctionnalités avancées, afin d’assurer une utilisation adaptée aux conditions réelles des marchés et villages africains.

Risques futurs pour les portefeuilles mobiles chinois en Afrique

Malgré sa croissance fulgurante, le secteur reste exposé à des incertitudes. Les changements réglementaires peuvent être brusques : le Nigeria a récemment obligé les plateformes de paiement étrangères à céder la majorité de leur capital à des partenaires locaux, bouleversant les modèles économiques du jour au lendemain. La concurrence s’intensifie également, avec l’arrivée de sociétés occidentales comme PayPal et Stripe sur le segment transfrontalier, et l’expansion agressive des portefeuilles adossés aux opérateurs africains, tels qu’Airtel Money.

Les déficits d’infrastructure — électricité instable, couverture 4G incomplète — obligent les fournisseurs à continuer d’investir dans des fonctionnalités hors ligne et des appareils à faible consommation. Enfin, la volatilité des politiques de change ou l’imposition soudaine de restrictions monétaires pourraient compromettre les avantages de règlement transfrontalier qui font l’attrait de ces portefeuilles. La prochaine décennie dira si les entreprises chinoises parviennent à maintenir leur avance tout en naviguant ces risques.

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