Dans cette interview accordée à notre Rédacteur en chef, Cobus van Staden, je fais un décryptage à minima de l’accord trouvé la semaine dernière entre la Gécamines et CMOC en République démocratique du Congo. Les détails n’ayant pas encore été rendus publics, je reviens sur des éléments à observer et qui aurait pu déterminer l’aboutissement des négociations entre les deux parties.
QUE SAVONS-NOUS DES TERMES DE L’ACCORD ?
Jusqu’à présent, nous ne savons pas grand-chose. Le communiqué de CMOC est resté vague, ce qui pourrait nous indiquer que des concessions ont été faites de part et d’autre et que les deux parties sont en quelque sorte satisfaites de l’accord global.
Il s’agira cependant d’observer comment certaines questions essentielles ont été réglées. Et les concessions qui ont pu être faites de part et d’autres touchent forcément à ces questions là.
Il s’agit notamment des 7,6 milliards de dollars de compensation demandés par la Gécamines et de la question de savoir si CMOC a abandonné son opposition antérieure de ce montant (et son opposition à l’idée même que des redevances étaient dues à la Gécamines), de la forme de compensation convenue par les parties et du calendrier d’exécution.
Nous devons également examiner ce que la Gécamines a obtenu en termes de transparence dans la gestion de la mine de Tenke Fungurume. Comme nous savons que la question des réserves était le problème, l’accord pourrait inclure un mécanisme qui permettra un meilleur partage de l’information sur cette question à l’avenir.
Il est aussi possible que les négociateurs Gécamines aient pu inscrire les exigences de la partie congolaise dans une approche plus large du développement du secteur des batteries pour les véhicules électriques.
COMMENT CET ACCORD POURRAIT-IL DONC S’INSCRIRE DANS LES PLANS DE DÉVELOPPEMENT DE LA RDC ?
Nous savons que la RDC souhaite mettre en place une chaîne d’approvisionnement intégrée pour les batteries de véhicules électriques dans le pays. Le géant chinois CATL, fabricant de batteries, a récemment rejoint CMOC dans ses opérations en RDC. Il ne serait pas surprenant que les deux parties se soient mises d’accord sur des formes de compensation qui permettraient à la Gécamines de construire cette chaîne d’approvisionnement, ce qui pourrait inclure le transfert de technologie et la formation.
Si tel est le cas, cela pourrait permettre une mise en œuvre progressive et à moyen terme, ce qui permettrait à CMOC d’éviter d’avoir à effectuer un paiement immédiat et important des compensations qu’elle devrait à la Gécamines.
QUEL SERA L’IMPACT DE L’ACCORD SUR LA POLITIQUE DE LA RDC ?
Il est quasi certain que la société civile congolaise fera pression pour que les termes de l’accord soient rendus publics par la Gécamines, et ensuite, bien sûr, en fonction des intérêts des uns et des autres, la question pourrait très vite devenir politique.
D’autant plus qu’un autre contrat chinois est en cours de discussion, celui de Sicomines. La charge politique de ce dernier pourrait se répercuter sur l’accord entre la CMOC et la Gécamines. Un accord qui du reste pourrait aussi impacter la manière dont le litige de la Sicomines pourrait être réglé.
QU’EN EST-IL DES AMBITIONS DES ÉTATS-UNIS DE LUTTER CONTRE LA DOMINATION DE LA CHINE SUR LE COBALT ?
La dispute de la CMOC a longtemps été présentée à Washington comme le début de la fin pour les groupes miniers chinois en RDC. Mais sa résolution nous raconte une autre histoire. Elle montre que les deux parties sont toujours prêtes à travailler ensemble malgré le durcissement de ton durant la dispute.
Cela signifie que ceux qui ont parié sur la volonté de la RDC de se débarrasser des entreprises chinoises devront revoir leur approche. Ils devront se rendre à l’évidence que les Chinois sont là pour rester et que la RDC veut qu’ils restent, et ils (américains et occidentaux) devront trouver un moyen de travailler avec eux s’ils veulent avoir un rôle à jouer dans l’industrie du cobalt de la RDC.