Il semble bien que les responsables américains éprouvent d’énormes difficultés à garder la Chine et la Russie en dehors du sommet US-Afrique qui s’ouvre aujourd’hui à Washington. La volonté bien présente, affichée et assumée par plusieurs responsables de l’administration américaine de se départir d’un narratif de rivalité géopolitique en Afrique se bute à la conviction contraire non seulement des Chinois – sans surprise – mais aussi des médias et experts internationaux qui n’y croient pas du tout.
Pour plusieurs médias, la motivation principale derrière ce sommet, vise à contenir la Chine et la Russie en Afrique.
Difficile de ne pas souscrire à ce narratif lorsqu’il y a encore quelques années, les pays africains étaient considérés comme des « shitholes countries » au point où visiblement, il n’y avait pas de nécessité d’organiser un deuxième sommet US-Afrique après celui de 2014 sous Obama qui pourtant s’était conclu avec la décision d’en faire un évènement récurrent. Sans engagement clair quant à sa périodicité, il aura fallu huit ans pour organiser ce deuxième sommet US-Afrique. Et lorsqu’on évoquait l’Afrique, il s’agissait clairement d’y contrer Moscou et Pékin. Entre-temps, nous avons eu trois sommets Chine-Afrique du FOCAC (2015, 2018 et 2021), trois sommets Europe-Afrique et des milliards de dollars d’engagements.
La rivalité géopolitique comme motivation principale derrière ce sommet n’est pas si farfelue dès lors que l’on sait voir comment « contenir la chine » a été au cœur de nombreuses initiatives américaines et alliés des 4-5 dernières années.
Dans les infrastructures, le PGII et le B3W, deux initiatives portées par les pays du G7 visaient clairement à contre-carrer la Belt and Road Initiative Chinoise en Afrique et ailleurs.
Au niveau sécuritaire, cela fait bientôt deux ans que le Pentagone est persuadé de la volonté de Pékin de construire une deuxième base militaire en Afrique, en Guinée Équatorial ; sans oublier les inquiétudes croissantes face à la présence du groupe russe Wagner sur le continent.
Sur le plan politique et diplomatique, la neutralité des pays africains face à la guerre en Ukraine ou encore le soutien permanent qu’ils offrent à Pékin sur le Xinjiang et Taiwan font sourciller à Washington et Europe.
Et finalement, il y a les inquiétudes de Washington concernant la domination chinoise sur la chaine d’approvisionnement des minerais stratégiques et la vulnérabilité à laquelle elle expose les industries américaines de la défense et de l’automobile. Du reste des inquiétudes qui ont conduit à la mise en place de la « Mineral Security Partnership » en juin dernier pour, autant que possible, réduire cette dépendance à la Chine.
Bref ce ne sont pas les inquiétudes géopolitiques « légitimes » qui feraient défaut à Washington pour justifier ce sommet. Et donc il leur faudra bien plus que des mots, de la rhétorique ou des postures pour convaincre le reste du monde, les médias mais surtout les dirigeants africains présents à Washington que ce sommet n’a rien à avoir avec la Chine ou la Russie.