Ce FOCAC 2024 aura certainement été bien plus politique et idéologique qu’autre chose. Du thème principal du sommet – S’associer pour promouvoir la modernisation et construire une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de haut niveau – au discours inaugural du président chinois en passant par les mots de circonstances de Xi Jinping durant les rencontres bilatérales, les autorités chinoises ont mis en avant les priorités politiques que les autorités chinoises accordent à l’avenir de leurs relations avec l’Afrique.
Chercher à savoir quelles seraient les grandes infrastructures gigantesques que Pékin construirait ou encore combien de milliards de dollars elle injecterait sur le continent serait passer à côté de l’essentiel. Pour Pékin, il s’agissait bien plus de partager et promouvoir une vision politique mondiale dans laquelle elle place l’Afrique en partenaire et créer une alliance avec elle pour y parvenir. Il s’agissait pour Pékin de présenter un futur dans lequel la Chine tenait à inscrire l’Afrique.
Au-delà de ces milliards de dollars qui sont devenus la norme, bien réductrice, à laquelle nous avons pris l’habitude de mesurer la vitalité des relations chine Afrique, ce FOCAC aura servi à renforcer la valeur politique de l’Afrique pour la Chine dans un système international qu’elle entend reformer.
Dans sa lutte pour la reconfiguration du système international, la Chine a décidé de faire de l’Afrique son allié présent et futur. En rappelant leur passé commun, le président chinois a tenu rappeler que la modernité et le développement auxquels la Chine et l’Afrique aspirent passe par une communauté de destin face à un système international qui leur a été longtemps défavorable – Mais l’approche occidentale a infligé d’immenses souffrances aux pays en développement.
Que le chemin du développement et de la modernité n’était pas unique et universel, mais plutôt particulier, reflet de l’histoire et de la particularité de chaque nation – En promouvant la modernisation, nous devons non seulement suivre les règles générales, mais aussi agir à la lumière de nos réalités nationales…explorer des voies de modernisation adaptées à leur contexte national et contribuer à garantir l’égalité des droits et des chances pour tous les pays.
Une rhétorique qui fait de plus en plus mouche dans un continent où l’on évoque de plus en plus le besoin d’une démocratie propre à l’Afrique, qui reflète les valeurs et rencontre les besoins des pays africains.
Ainsi, dans sa volonté de redéfinir le système international, Pékin n’a pas nécessairement besoin de s’attaquer à ses normes actuels – démocratie libérale occidentale, libre marché, définition des droits de l’homme etc – tout ce dont elle a besoin, c’est d’offrir et de faire prospérer d’autres normes et valeurs qui suffiront à contester et à fragiliser l’universalité des normes actuelles. Et où de mieux pour faire prospérer ces nouvelles normes que dans un continent qui aura pendant longtemps payé le prix d’un système international conçu en sa défaveur.
D’où le besoin de Pékin de se placer comme le partenaire politique et de développement de l’Afrique. À côté des milliards de dollars promis, qui du reste ne seront pas évidents à suivre, ce sont les autres chiffres qui devraient nous intéresser : ceux des cadres politiques qui seront formés – 25 centres d’études sur la Chine et l’Afrique. Nous ferons un meilleur usage des académies de leadership africaines pour cultiver les talents en matière de gouvernance et inviterons 1 000 membres de partis politiques africains en Chine pour approfondir les échanges d’expériences en matière de gouvernance du parti et de l’État.- , ceux des centres de formation professionnelle qui seront construits, ceux des instituts agricoles qui verront le jour etc.
C’est là où Pékin entend étendre son influence sur le continent. C’est là où elle entend marquer de sa présence et être de plus en plus présente.
De son ambition à façonner le paysage politique africain, elle n’en a point fait secret. Cependant, Il ne faudra forcément pas y voir une volonté de Pékin d’exporter et de reproduire son modèle politique en Afrique, mais plutôt comme une volonté de susciter des modèles politiques propres qui ne soient simplement pas des répliques des modèles politiques incarnés par les normes politiques et sociales d’un système international occident- centrique.
D’où l’élévation des relations sino-africaines au statut de « An all-weather China-Africa community with a shared future for the new era .” Une nouvelle ère dans laquelle la non-universalité des normes internationales cimentera les principes de non-ingérences et de la souverainteté des nations qui fragiliseront les critiques qui pourraient etre faites contre elle… parce qu’au final, il s’agit d’abord d’elle, de ses intérêts et de sa sécurité.
Et à ceux qui pariaient sur un désengagement de la Chine en Afrique, il feraient bien de revoir leur copie: China is locked in Africa.



 
							
 
							