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RDC: Comment les États-Unis s’apprêtent à faire main basse sur les minerais critiques congolais et freiner l’expansion chinoise

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Le président américain Donald Trump (au centre) et et le président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi (à droite) à l'Institut américain pour la paix à Washington, DC, le 4 décembre 2025. ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

En signant l’accord de partenariat stratégique avec la République démocratique du Congo (RDC), les États-Unis ont atteint deux objectifs majeurs de leur stratégie sur les minerais critiques : sécuriser un accès privilégié au cuivre, au cobalt, au zinc, à l’or et à d’autres minerais jugés stratégiques, et établir un cadre réglementaire qui rend désormais politiquement et juridiquement difficile toute nouvelle expansion chinoise dans ce secteur en RDC. Conclu à Washington à la suite des accords de paix et d’intégration économique négociés entre la RDC et le Rwanda, cet accord crée un partenariat minier et industriel offrant une priorité d’accès aux entreprises et aux individus américains, ainsi qu’aux « personnes et pays alignés » des États-Unis, pour l’exploitation et la commercialisation de ces minerais.

L’accord crée une série de concepts – Strategic Asset Reserve (SAR), Qualifying Special Projects (QSP)[1], the Strategic Minerals Reserve (SMR) – de mécanismes – Joint Steer Committee (JSC)[2] – et mesures – engagement de la RDC à modifier les lois et la constitution de façon à faciliter la mise en application de l’accord, procédures fiscales privilégiées – qui dans leur esprit et exécution, non seulement créent un cadre qui veillent et garantit la sécurité et la prévisibilité des investissements américains dans les minerais critiques, mais fait aussi activement participer les Etats-Unis dans la gestion du secteur des minerais critiques en RDC. 

La réserve d’actifs stratégique d’actifs (RAS) ou le Strategic Asset Reserve (SAR)

La Réserve stratégique d’actifs (SAR) instituée par cet accord (article IV) va regrouper  une série de  titres et de projets miniers du pays, qu’il s’agisse de minerais critiques, d’or ou de zones d’exploration non encore attribuées. Ces projets devraient présenter un fort potentiel, puisqu’ils visent à attirer des investisseurs américains et à répondre aux besoins stratégiques des États-Unis en matière de minerais critiques. Elle est placée sous la supervision d’un comité de supervision conjoint, le JSC, composé des représentants de la RDC et des États-Unis, cogéré par les deux parties et dont les décisions sont prises par consensus. 

La RDC est tenue, dans les 30 jours suivant l’entrée en vigueur de l’accord, de présenter une liste initiale de SAR et d’y ajouter « régulièrement » de nouveaux actifs, en consultation avec les États-Unis, qui peuvent également suggérer l’ajout de nouveaux actifs. (Article IV.2). 

Au niveau opérationnel, une procédure spéciale (Articles VII et XII.2,3 et 4) est mise en place qui non seulement accorde un accès privilégié aux investisseurs américains et à leurs alliés, des mesures incitatives au cas par cas pour chaque projet, mais aussi les protège de toute tracasserie administrative et/ou politique inhérente à la gouvernance minière en RDC (Article IV.4) 

L’accord prévoit un processus d’investissement qui accorde aux individus et aux entreprises américains un droit de première offre et des fenêtres de négociation pouvant aller jusqu’à 12 mois, dont 6 exclusives et 6 autres en compétition avec des « pays alignés », sur lesquels ils auront toujours priorité. (Article VII). 

Bien que l’accord reconnaisse que les différentes mesures ne sauraient conduire à geler les actifs miniers et empêcher la RDC de s’engager avec d’autres partenaires miniers (Article VII.11) , les droits et pouvoirs accordés au JSC – prise de décision par consensus, pouvoir de prolonger les délais de négociations – (Article VI) ainsi que les procédures d’investissements (Article VII.6), sont susceptibles de créer des périodes de gel de facto et ce d’autant plus que l’accord ne mentionne pas clairement une période de temps permettant ou obligeant le retrait d’un projet du label SAR. 

En matière de souveraineté minière, l’accord stipule que les autorités congolaises devront faire un briefing trimestriel à l’ambassadeur des États-Unis à Kinshasa (Article XII.5) lui expliquant la logique, les raisons et l’impact derrière les politiques d’exportation que la RDC pourrait décider de mettre en place. Ce qui implique que les décisions congolaises en la matière ne devront pas seulement être dictées par les dynamiques du marché et les intérêts congolais, mais aussi par les objectifs de ce partenariat stratégique. 

Outre ces mesures, l’accord oblige le gouvernement congolais à bloquer tout changement de propriété susceptible d’entraîner la disqualification d’un projet porté sous le label SAR. En clair, lorsqu’un projet a été identifié comme tel, le gouvernement congolais sera obligé, dans la mesure de son cadre légal, de bloquer un changement de propriété susceptible d’introduire des investisseurs issus de pays non alignés, notamment chinois

Quid de la Chine et des entreprises chinoises ? 

Les projets miniers chinois en cours sont en sécurité et ne sont pas affectés par les dispositions de cet accord. Cependant, l’effet cumulatif de tous ces mécanismes et mesures constitue un filtre d’exclusion de facto ; une fois qu’un actif entre dans le SAR, les entreprises chinoises et d’autres couverts par la loi 10 U.S.C. § 4872(f)(2) – loi portant sur l’acquisition de matières sensibles auprès de pays étrangers non alliés : interdiction – seront confrontées à des obstacles structurels majeurs pour acquérir ou développer des projets lucratifs. 

La pensée en filigrane de cet accord étant pour la RDC d’approvisionner et de fournir régulièrement aux États-Unis des minerais critiques, et ce dans un contexte géopolitique de compétition avec la Chine, il est attendu que la RDC et les États-Unis, à travers la JSC, puissent inclure les projets miniers présentant un réel potentiel géologique et économique. Cela sera rendu davantage possible grâce au soutien technique que les États-Unis apporteront, qui, selon l’accord, accéderont aux données historiques géologiques et minières congolaises et les évalueront, identifiant celles susceptibles d’être incluses dans le SAR. (Article IVX. F)

Finalement, l’accord ouvre la porte à des participations américaines dans les joint-ventures sino-congolaises où les entreprises publiques congolaises sont minoritaires. Le point 3 de l’article XIII qui encourage la RDC à « procéder à un examen des structures de propriété effective et de direction des entreprises publiques congolaises dans le secteur minier, conformément aux lois et aux mécanismes de contrôle applicables en RDC, et pourra partager les informations pertinentes avec la JSC et le Bureau du représentant américain au commerce (USTR) à des fins de dialogue et de coopération, conformément aux objectifs du présent accord. », stipule que la  « RDC devra s’efforcer à faire usage de la participation minoritaire de ses entreprises publiques dans les projets miniers afin de faciliter les opportunités d’investissement pour les personnes américaines et les personnes alignées. »

Une clause qui pourrait permettre l’entrée des capitaux américains et alliés dans des joint-ventures sino-congolaises comme la Sicomines, ou encore dans des projets tels que Tenke Fungurume Mining et Kisanfu Mining, dans lesquels la Gécamines détient 20% des parts contre 80% pour le chinois CMOC. 

En définitive, avec cet accord, les autorités congolaises s’alignent sur les intérêts stratégiques américains et font des États-Unis un de facto cogestionnaire de leurs minerais critiques. 


[1] Les QSP sont des projets stratégiques répondant à des critères qui assurent un contrôle majoritairement américain ou allié et un accès prioritaire aux chaînes d’approvisionnement des États-Unis.

[2] Comité conjoint RDC-Etats-Unis chargé du suivi et de la mise en application de l’accord de partenariat stratégique

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