La Somalie s’est distinguée la semaine dernière en étant le seul pays africain et le seul pays à majorité musulmane à soutenir une résolution du Conseil des droits de l’homme des Nations unies appelant à un débat sur les politiques de la Chine en matière de droits de l’homme au Xinjiang.
Le fait qu’un pays africain se joigne aux voix critiques de la Chine en Occident et en Asie sur une question aussi politiquement sensible que le Xinjiang n’est pas sans précédent. Par exemple, l’année dernière, le Liberia a été l’un des deux seuls États africains à soutenir une déclaration commune portée par la France qui « exprimait sa préoccupation quant à la situation des droits de l’homme au Xinjiang« .
En revanche, le problème ici est spécifique à la Somalie, un pays qui a notoirement des liens tendus avec les États-Unis et l’Occident en général et qui entretient des liens particulièrement étroits avec la Chine. En outre, Mogadiscio n’a jamais fait de déclaration publique sur les questions relatives aux droits de l’homme au Xinjiang (pour ou contre), de sorte que le fait qu’elle rompe ce précédent de manière aussi visible dans un forum des Nations unies est également inhabituel.
Le gouvernement somalien n’a pas commenté la controverse, ce qui a donné lieu à de nombreuses spéculations en ligne sur les raisons de ce vote et sur l’identité des votants. Les critiques se méfient de James Swan, le représentant spécial pour la Somalie nommé par le secrétaire général des Nations unies. M. Swan est un ancien fonctionnaire américain de longue date, qui a notamment été ambassadeur à deux reprises en RDC et à Djibouti.
Mais l’idée qu’un diplomate de l’ONU puisse changer le vote d’un pays souverain pour s’aligner sur les priorités de son ancien employeur du gouvernement américain semble fantaisiste. Elle ne tient pas compte de l’influence considérable de la Chine au sein des Nations unies et auprès du Secrétaire général lui-même. La Chine aurait probablement eu vent d’un tel plan bien avant le vote et en aurait parlé à la Somalie.
Le mystère demeure donc entier quant aux raisons du vote de la Somalie et quant à la décision de bloquer le débat sur les droits de l’homme au Xinjiang, qu’elle ait été prise à Mogadiscio ou à New York.
Pourquoi le vote de la Somalie au CDH n’a aucun sens :
- ALIGNEMENT CHINE-SOMALIE SUR LES QUESTIONS TERRITORIALES : La Somalie et la Chine entretiennent un lien fort basé sur ce qu’elles perçoivent comme des territoires dissidents au sein de leurs pays. La Somalie a longtemps soutenu la position de la Chine sur Taïwan et, en retour, Pékin a soutenu Mogadiscio sur la question du Somaliland.
- RENCONTRE DES MINSTRES DES AFFAIRES ETRANGERES : le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi a rencontré son homologue somalien Abshir Omar Huruse en marge de la réunion de l’Assemblée générale des Nations unies à New York. S’il y avait eu la moindre indication que Huruse avait prévu de voter avec les États-Unis, l’Europe et le Japon sur le Xinjiang, il n’y a aucune chance que la lecture de la réunion ait été aussi enthousiaste.
- L’AMBASSADE DE CHINE EN SOMALIE CÉLÈBRE LE VOTE : On pourrait penser que l’ambassade de Chine à Mogadiscio considère le vote somalien en faveur du débat sur le Xinjiang comme une sorte de revers, étant donné qu’elle s’est démarquée de tous les autres pays africains. Mais non. L’ambassade s’est réjouie sur Twitter que la défaite de la motion soit la « voix de la justice », sans pour autant aborder le vote somalien en soi.