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« Les chinois sont des cibles faciles en Afrique », opinion d’un chinois

Les chinois sont des cibles faciles en Afrique
Des commerçants kenyans repoussés par des policiers devant le parlement à Nairobi, le 28 février 2023, lors d'une manifestation contre ce qu'ils considèrent être des avantages commerciaux injustes accordés aux commerçants chinois. Tony KARUMBA / AFP

Note: Ce qui suit est une traduction d’un message publié par Nie Shaorui 聂少锐, un créateur de contenu WeChat populaire basé en Afrique. L’article original peut être lu en chinois sur sa page WeChat à l’adresse suivante : 小聂说事儿. Cet article a été légèrement modifié pour plus de clarté.

Lorsqu’un pays africain est critiqué ou fait l’objet de fausses accusations, ces accusations s’étendent également à la population de ce pays. Il en va de même pour la Chine. Lorsque toutes ces histoires sur la « menace chinoise », le néocolonialisme et la crise de la dette chinoise dominent le débat en Afrique, nos voix sont souvent absentes, ce qui nous oblige à subir passivement ces attaques. Si l’on peut imaginer le poids que cela représente pour notre pays, c’est encore pire pour nous les individus qui portons souvent le fardeau dans notre vie quotidienne.

Malgré les contributions significatives de la Chine en Afrique, la couverture médiatique positive est rare, tandis que nos erreurs sont rapidement mises en évidence en première page. Au fil du temps, un grave déséquilibre est apparu entre les contributions de la Chine et sa réputation. Cela permet à la Chine et aux Chinois de devenir des boucs émissaires faciles pour les Africains afin de détourner l’attention sur leurs propres problèmes intérieurs.

La récente controverse autour du centre commercial China Square à Nairobi en est un excellent exemple. Même si le ministre du commerce, Moses Kuria, n’a pas réussi à faire fermer le centre commercial, la question est loin d’être résolue. Les commerçants kenyans ont engagé des poursuites civiles contre plus de 40 entreprises et individus chinois dans le cadre de leurs efforts pour faire fermer le centre commercial. En douze ans de présence en Afrique de l’Est, c’est la première fois que je vois les populations locales engager des poursuites civiles aussi directes contre des Chinois. Les plaignants demandent notamment d’empêcher les accusés – la communauté chinoise – de s’engager dans le commerce de détail et d’importation, d’enquêter sur le statut d’immigration et les permis de travail des accusés, d’interdire à la Chambre de commerce chinoise d’aider les accusés et de protéger les intérêts des petites entreprises locales.

En Afrique, on n’entend presque jamais parler d’Européens ou d’Américains qui ont été accusés ou trainés en justice, et ce n’est même pas le cas des Indiens ou des Pakistanais. Une opinion largement répandue dans la société africaine veut que l’on ne joue pas avec ces personnes, alors que les Chinois sont considérés comme des cibles faciles.

Les systèmes juridiques africains sont principalement fondé sur le système de la common law hérité de l’époque coloniale. Ce contentieux civil s’apparente à un contentieux d’intérêt public car il nécessite des preuves de violation pour étayer l’allégation du plaignant selon laquelle ses droits ont été violés. La charge de la preuve incombe au plaignant. Les plaignants doivent démontrer que leurs droits ont été violés, par exemple que les actions du défendeur ont entraîné une baisse de leur activité ou de leurs bénéfices. Cette preuve est difficile à apporter, étant donné la multitude de facteurs qui contribuent à la mauvaise performance des entreprises et à la baisse des bénéfices.

En fait, le ralentissement économique au Kenya réside principalement dans le pays lui-même, comme les disputes entre partis, les conflits internes, la corruption et l’inefficacité qui conduisent à une baisse de la demande intérieure et à un affaiblissement de la confiance des consommateurs, plutôt que dans la concurrence des acteurs étrangers. D’une certaine manière, les acteurs kenyans font des Chinois les boucs émissaires de leurs tensions internes.

En Afrique, nous devons nous habituer à être des accusés. Presque tous les Chinois qui résident en Afrique depuis plus de cinq ans ont été confrontés à des situations nécessitant une comparution devant un tribunal, qu’il s’agisse d’infractions au code de la route, de litiges contractuels ou de problèmes fiscaux. Les procès sont un moyen courant de régler les litiges en Afrique, ce qui diffère de notre propension à résoudre les conflits à l’amiable. Aller au tribunal est aussi normal que d’aller au supermarché. C’est la raison pour laquelle les avocats du système de common law gagnent bien leur vie et jouissent d’un statut social respecté, car la consultation d’un avocat est aussi banale que la consultation d’un médecin.

Nous devons abandonner notre mentalité habituelle qui consiste à « dépenser de l’argent pour résoudre des problèmes » (« 花钱消灾 ») et nous adapter aux coutumes locales. Il est essentiel d’utiliser la loi comme un moyen de protéger nos droits et intérêts légitimes. Il s’agit de relever les défis et de trouver des solutions face aux difficultés. Nous devons nous unir, répondre activement aux procédures judiciaires et ne pas les ignorer. Dans un pays étranger, ne pas participer à un procès ne peut qu’entraîner des pertes importantes, en particulier dans les affaires qui retiennent l’attention de la société. Dans les litiges privés, la médiation diplomatique s’avère inefficace, laissant le contentieux actif comme seul moyen d’action viable. En outre, cette bataille crée un précédent et si nous perdons, la situation pour les futurs Chinois deviendra encore plus difficile, car chaque industrie sera confrontée au risque que des concurrents locaux imitent leurs actions sur la base de ces précédents. Il s’agit là d’un cas de jurisprudence.

En vivant et en travaillant en Afrique, nous nous retrouvons souvent dans des situations où nous pouvons être des accusés en justice. Ces situations impliquent généralement les services de l’immigration et du travail, les services fiscaux, les litiges contractuels et les litiges en matière de contrefaçon. Il est donc essentiel d’aborder certains aspects clés.

  • Premièrement, nous devons nous assurer que notre statut légal est en ordre.
  • Deuxièmement, nous devons faire preuve de prudence et de rationalité dans la gestion des impôts.
  • Troisièmement, il est primordial de faire preuve d’intégrité dans la conduite de nos affaires.
  • Finalement, nous devons éviter de porter atteinte aux intérêts d’autrui.

Dans les différends contractuels, il convient d’accorder une attention particulière aux conditions de travail et aux contrats de travail. Lors du recrutement d’employés locaux, il est essentiel d’établir un contrat clair et complet qui couvre des détails importants tels que les prestations médicales, l’assurance et l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Il est essentiel de respecter scrupuleusement les termes du contrat. Tout problème lié au contrat de travail donne souvent lieu à des poursuites judiciaires intentées par des particuliers. En ce qui concerne les affaires pénales, la situation est similaire à celle de la Chine. En raison du nombre important de Chinois en Afrique et de la diversité de leur statut, les affaires pénales impliquant des ressortissants chinois sont encore plus nombreuses.

Pour être honnête, il m’arrive fréquemment de me faire arrêter par la police en Afrique. J’ai pris l’habitude de payer des [pots-de-vin] pour me sortir de ces situations. Lorsque j’étais plus jeune, j’insistais sur la nécessité d’entamer une procédure judiciaire, mais le résultat restait le même et cela consommait beaucoup d’argent et de temps. Par conséquent, j’ai cessé d’intenter une action en justice, un choix communément adopté par la plupart des Chinois, ce qui fait que la police africaine a plus de facilité à cibler les Chinois, car nous avons tendance à céder. En Afrique, on n’entend guère parler d’Européens ou d’Américains mis en cause, et ce n’est même pas le cas des Indiens ou des Pakistanais. Une croyance largement répandue dans la société africaine veut que l’on ne joue pas avec ces personnes, alors que les Chinois sont considérés comme des cibles faciles.

En fin de compte, notre pays n’est pas encore assez puissant et nous manquons encore d’influence en Afrique. Nous sommes confrontés à diverses forces qui nous répriment et nous diffament. Bien sûr, cela démontre que nous sommes sur une voie ascendante, un rajeunissement national (民族复兴之路). Il reste encore beaucoup à faire. Il est essentiel que les autorités améliorent leur publicité et adoptent la bonne attitude, plutôt que de chercher constamment à apaiser les autres. Une communication et un dialogue efficaces sont essentiels. Les organisations médiatiques chinoises stationnées en Afrique devraient remplir leur rôle en amplifiant nos points de vue et nos opinions. Les Chinois en Afrique doivent s’efforcer d’améliorer leurs propres capacités et de s’adapter aux lois et coutumes locales.

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