Le tout nouveau chef de la diplomatie chinoise Qin Gang, a entamé sa première tournée africaine qui l’emmènera dans cinq pays. Une visite qui s’inscrit dans la longue tradition de la diplomatie chinoise de réserver la première tournée à l’étranger au continent africain.
Parmi les cinq pays qu’il visitera, outre les “grands partenaires” de la Chine en Afrique l’Éthiopie, l’Angola et l’Égypte, on retrouve aussi deux autres pays de relative faible importance pour la Chine en Afrique, le Gabon et le Bénin. Si le passage dans les trois premiers semble plus facile à expliquer, les étapes du Bénin et Gabon requièrent une certaine perspicacité pour les comprendre.
C’est ainsi que nous avons interrogé Folashade Soule, Docteur en relations internationales, chercheur associée à l’Université d’Oxford et spécialiste de la Chine Afrique, pour nous faire sa lecture sur l’étape béninoise.
GERAUD NEEMA : Dans l’itinéraire de Qin Gang en Afrique, il y a le Bénin. Lorsqu’on pense aux partenaires africains de la Chine, le Bénin n’est pas un pays auquel on penserait à première vue; alors pourquoi cette visite au Bénin ?
FOLASHADE SOULE : En décembre 2022, la Chine et le Bénin ont célébré les 50 ans de la reprise de leurs relations diplomatiques. La Chine a depuis plusieurs années eu vocation à élargir ses relations avec des partenaires africains qui vont au-delà des grands pays africains comme le Kenya, l’Éthiopie ou encore l’Afrique du Sud. Le Bénin en tant que petit pays africain francophone offre plusieurs opportunités. Le pays est stratégiquement situé sur la côte ouest-africaine et sert de tremplin vers d’autres pays plus larges comme le Nigéria. Le précédent président béninois Yayi Boni avait une relation très spéciale avec la Chine, dont il admirait ouvertement le modèle économique – et la place accordée aux infrastructures comme vecteur de développement – qu’il souhaitait reproduire au Bénin. Ceci a ouvert la voie à un renforcement de la coopération avec la Chine notamment dans le domaine du financement des infrastructures. Sous Patrice Talon, la Chine est toujours présente mais elle n’a plus cette place de choix, le président et gouvernement actuel ayant fait de l’attraction des investisseurs et de la diversification des partenaires, une priorité. Cette visite pourrait être l’occasion pour la Chine de renforcer ce partenariat.
GERAUD: Comment les autorités béninoises devraient-elles aborder cette visite en terme d’attentes dans le court-moyen et long terme?
FOLASHADE : L’économie béninoise est en croissance et offre plusieurs opportunités d’investissement pour un pays comme la Chine qui est progressivement devenue un des premiers partenaires commerciaux de du Bénin, mais dont les stocks d’investissements demeurent faibles comparés à ceux de certains partenaires traditionnels comme la France. Cette visite est une opportunité pour les autorités béninoises de promouvoir le Bénin comme une destination de choix. C’est également une opportunité de renforcer les relations dans d’autres secteurs, notamment le domaine sécuritaire où la Chine est devenue progressivement un partenaire notamment en termes d’achats d’équipement et pour la construction d’infrastructures sécuritaires.
Le Bénin pourrait davantage tirer profit de ses relations avec Pékin en mettant en place une meilleure organisation interne pour aborder les négociations avec la Chine. Cela implique une meilleure coordination interministérielle et une augmentation de l’expertise chinoise au sein de l’administration.
Folashadé Soulé, chercheur associé au Programme de gouvernance économique mondiale de l’Université d’Oxford.
GERAUD : Sur le long terme, comment le Bénin pourrait-il/devrait-il tirer avantage de ses relations avec Pékin avec un Qin chef de la diplomatie qui n’a pas un background personnel sur les questions africaines ?
FOLASHADE : Le Bénin pourrait davantage tirer profit de ses relations avec Pékin en mettant en place une meilleure organisation interne pour aborder les négociations avec la Chine. Cela implique une meilleure coordination interministérielle et une augmentation de l’expertise chinoise au sein de l’administration. Le manque de négociateurs maîtrisant le mandarin ou ayant une fine compréhension des subtilités de la culture de négociation chinoise a un impact sur les négociations et la compréhension des attentes des différentes parties.