Faute de compromis entre le consortium de l’australien Rio-Tinto et du chinois SMB Winning, Le gouvernement guinéen a de nouveau mis le projet Simandou à l’arrêt. Les deux parties peinent à s’entendre sur les modalités de financement et de gestion des infrastructures ferroviaires et maritimes qui doivent servir à évacuer le fer de Simandou.
Il sied de rappeler que, opposé à l’idée de passer par le port de Buchanan au Libéria, le gouvernement guinéen avait imposé aux opérateurs miniers de Simandou l’obligation de construire le chemin de fer trans-guinéen long de 670 Km qui relie la région est à Conakry à l’ouest où un port doit être construit afin d’évacuer le fer.
Un premier arrêt était intervenu à la mi-mars avant une reprise à la fin du mois à l’annonce par les opérateurs d’un compromis avec le gouvernement pour travailler ensemble sur la construction de ces infrastructures.
Quatre mois après, le compromis peine à se concrétiser, et le gouvernement s’impatiente. À la mi-juin, Mamady Doumbouya, président intérimaire avait donné un ultimatum de quatorze jours aux deux consortiums pour trouver un compromis, faute de quoi il suspendrait à nouveau les travaux sur la mine.
Quelques observations:
- Approches contradictoires : Pour des raisons économiques et géopolitiques, l’australien Rio-tinto semble avoir une approche différente des compagnies chinoises sur le projet. L’instabilité sur le marché du fer, causée entre-autre par l’instabilité du marché du fer en Chine, peut expliquer les réticences de Rio-Tinto à investir des milliards de dollars dans les conditions actuelles. Mais il ne faudrait pas non plus oublier la donne géopolitique. Le fer guinéen est une priorité absolue pour Pékin pour mettre fin à une dépendance au fer australien que Pékin considère être une sérieuse faiblesse stratégique
- Difficultés guinéennes : Le gouvernement guinéen semble avoir de sérieuses difficultés à manoeuvrer les enjeux géopolitiques et économiques qui opposent les deux consortiums. Il ne semble pas avoir suffisamment de leviers pour les contraindre à trouver un compromis rapidement selon son calendrier.
- Un régime de transition : la nature transitoire du régime guinéen n’en fait pas un partenaire définitif et sûr avec lequel des engagements définitifs et coûteux peuvent être pris. Et ceci pourrait bien être un facteur qui explique la résistance des opérateurs du projet à prendre des engagements financiers aussi lourds et qui pourraient être revus ou remis en question au cas où le pouvoir venait à changer.
- Le calendrier politique de la junte : Depuis son accession au pouvoir en septembre 2021, la junte a fait pression sur les compagnies pour qu’un coup d’accélérateur soit donné à un projet qui 25 ans après l’attribution du permis d’exploitation, peine à se développer. Elle semble avoir un calendrier qu’elle tient à faire respecter. Et ce calendrier pourrait être politique. En effet si les membres de la junte décidaient à se lancer dans une carrière politique après la période de transition, les avancées obtenues au près des opérateurs miniers pourraient bien servir d’arguments politiques. Ceci expliquerait donc la pression qu’elle exerce sur Simandou.
LECTURE RECOMMANDÉE:
- The Sydney Morning Herald : Rio Tinto est contraint d’interrompre ses travaux dans la mine de fer de Simandou en Guinée par Nick Toscano (en Anglais)
- Le Projet Afrique Chine : Suspension des activités à Simandou, Pékin aurait de quoi s’inquiéter par Christian-Geraud Neema.