Lorsque Softcare est entrée en bourse à Hong Kong le 10 novembre, peu de gens hors d’Asie connaissaient cette entreprise. Pourtant, le « roi des couches africaines » a vu son action bondir de 33 % dès le premier jour, valorisant la société à plus de 2,57 milliards de dollars. Contrairement aux startups technologiques qui font la une, Softcare vend des produits très simples : des couches pour bébés et des serviettes hygiéniques.
L’histoire débute avec un couple d’anciens camarades de l’Université d’ingénierie de Harbin, Shen Yanchang et Yang Yanjuan. Diplômé en 1996, Shen obtient un emploi stable dans l’administration tandis que Yang poursuit une carrière académique. Mais en 1997, Shen quitte son poste pour rejoindre une entreprise hongkongaise et part s’installer au Nigeria. Après plusieurs années dans l’export africain, il retourne en Chine et lance sa propre société à Guangzhou, précurseur du groupe Senda, spécialisée dans le commerce de petits produits.
Dès 2004, l’entreprise s’implante directement en Afrique de l’Ouest, ouvrant des bureaux au Ghana, en Côte d’Ivoire, en Tanzanie, au Kenya, en Zambie et au Nigeria. Mais le marché était difficile : le commerce de détail était alors dominé par des commerçants d’origine indienne, et les entreprises chinoises étaient quasi absentes. Transsion, futur géant du mobile africain, n’y était même pas encore.
Face à ces obstacles, Shen adopte une stratégie plus lourde mais plus judicieuse : contourner les grands distributeurs régionaux et travailler directement avec des petits revendeurs locaux dans les communautés. Senda soutient ces partenaires en compensant les pertes, en aidant à ouvrir des boutiques, en finançant la publicité locale et en introduisant un système de points. Des méthodes rudimentaires mais efficaces qui permettent de tisser un réseau robuste et très réactif.

En 2009, avec l’urbanisation galopante, le couple repère une énorme lacune : des couches et serviettes hygiéniques abordables et adaptées aux besoins locaux. Softcare naît alors comme division hygiène de Senda. Au début, tout est produit en Chine puis exporté vers l’Afrique, mais les droits de douane élevés et la lenteur logistique montrent vite les limites du modèle.
À partir de 2018, Softcare installe des usines directement en Afrique : au Ghana, au Kenya, au Sénégal, en Zambie et ailleurs. L’entreprise compte aujourd’hui 18 usines modernes et 51 lignes de production, produisant chaque année plus de 6,3 milliards de couches et 2,9 milliards de serviettes hygiéniques. Grâce à la production locale et à une optimisation poussée des coûts, Softcare peut vendre des couches à seulement 8,3 cents US pièce et des serviettes à 4,72 cents, avec des petits formats pensés pour les ménages à faibles revenus.
Avec une population africaine qui pourrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, le marché des produits d’hygiène devrait exploser pour atteindre 5,6 milliards de dollars d’ici 2029. Softcare vise désormais aussi l’Amérique latine et l’Asie centrale.
POURQUOI C’EST IMPORTANT: Le parcours de Softcare montre comment une connaissance fine du marché, une stratégie opérationnelle disciplinée et la production locale peuvent transformer des produits très ordinaires en activités à forte croissance et fort impact.




