Des enfants pataugent dans l’eau turquoise, des vendeurs ambulants s’activent sur le sable blanc, des touristes débarquent de petites embarcations. Une image de carte postale… à Mogadiscio, capitale de la Somalie, Etat failli dont les fragiles autorités veulent promouvoir le tourisme malgré une situation sécuritaire particulièrement précaire.
« Je n’ai pas vraiment dit à ma famille où j’allais », confie Sheryl, une Américaine, après une balade sur la plage du Lido. « Mais (…) dès notre descente d’avion, je me suis sentie parfaitement à l’aise », assure-t-elle à l’AFP. « C’est complètement différent de ce qu’on entend. »
Déchiré par une violente guerre civile dans les années 1990, ayant abouti à l’effondrement de l’Etat, et aux prises depuis près de 20 ans avec les insurgés shebab, liés à Al-Qaïda, ce pays de la Corne de l’Afrique, dont le gouvernement peine à asseoir son autorité au-delà de la capitale, est loin d’être vu, de l’étranger, comme une destination de voyage.
Mais depuis la fin 2023, après une percée de l’armée somalienne lui ayant permis de reprendre le contrôle de quelque 200 villes et villages, la Somalie tente de redorer son image.
Les autorités affirment que les attaques ont baissé de 86% dans la capitale grâce à davantage de caméras de surveillance, de check-points et de policiers en civil surveillant les foules.
Ce qui n’a pas empêché, ces six derniers mois à Mogadiscio, un attentat raté contre le convoi présidentiel, des tirs d’obus près de l’aéroport et un assaut contre un centre de détention.
En outre, une contre-offensive des islamistes radicaux début 2025 leur ont permis de reprendre le contrôle de 90 % du territoire perdu précédemment.
– « Changement d’image » –
Toute relative à Mogadiscio, la sécurité est inexistante dès les abords de la capitale. La guerre fait rage à 60 km de Mogadiscio, notamment pour le contrôle de ponts vitaux pour son approvisionnement.
Ce qui n’empêche pas le ministre du Tourisme, Daud Aweis Jama, de vanter la destination Somalie lors d’une interview accordée à l’AFP. « Partout dans le monde, le tourisme est synonyme de stabilité », affirme-t-il, « le tourisme changera l’image de la Somalie ».
D’après le ministre – qui ne précise pas les motifs de leur séjour – environ 10.000 étrangers se sont rendus en Somalie l’an dernier, un nombre qu’il espère voir doubler en 2025, principalement originaires de Chine, des Etats-Unis et de Turquie.
Sheryl et son mari Richard, tous deux quinquagénaires, n’ont suscité qu’une curiosité passagère lors de leur balade dans Mogadiscio, a constaté une journaliste de l’AFP. Mais durant leur promenade, un soldat armé les escortait.
« Nous nous promenons librement, les gens sont charmants, comme souvent, et c’est un endroit vraiment intéressant à visiter », se réjouit l’Américaine.
Sheryl et Richard, qui n’ont pas voulu donner leur nom de famille, ne sont toutefois pas des voyageurs ordinaires. À eux deux, ils ont visité, entre autres, l’Afghanistan, l’Iran et la Corée du Nord.
« La plupart des étrangers sont dissuadés par les avertissements qu’ils voient dans les médias occidentaux et européens », regrette Ali Hassan, cofondateur de l’agence Visit Mogadishu Tours, avec laquelle Sheryl et Richard voyagent.
Le Royaume-Uni déconseille les voyages en Somalie, où le risque d’enlèvement est qualifié d' »élevé » et où les Britanniques constituent des « cibles légitimes ». Les Etats-Unis sont plus directs : « Ne voyagez pas en Somalie ».
– Escorte armée –
Mais « la sécurité s’est améliorée dans de nombreuses régions du pays et les touristes peuvent interagir avec la population locale sans aucun problème », rétorque M. Hassan, dont l’agence facture environ 500 dollars par jour et par personne, un forfait comprenant les prestations traditionnelles (visa, repas, hôtel)… et l’escorte armée.
Le gouvernement, qui souhaite promouvoir le tourisme, un secteur employant selon lui 30.000 personnes, a rénové les routes et récemment mis en place un système de visa électronique. Celui-ci a cependant déjà été piraté, suscitant de nouvelles mises en garde des diplomaties américaine et britannique.
Anthony Middleton, un Britannique de 42 ans qui a déboursé environ 1.500 dollars pour deux nuits à Mogadiscio – nourriture, hébergement et sécurité compris -, raconte que quatre de ses cartes bancaires ont été bloquées par sa banque, laquelle a paniqué en voyant sa localisation.
La Somalie reste « dangereuse », reconnaît-il, « même si la situation s’améliore ». « Mais il y a une différence entre dangereux et hostile », souligne-t-il à l’AFP.
Si le gouvernement contrôle Mogadiscio, les shebab y exercent toujours une forte influence. Des cicatrices des récents conflits restent visibles. De nombreux bâtiments sont encore en ruines.
Commerçant de 21 ans, Abdi Malik raconte à l’AFP avoir servi la veille un touriste étranger – un youtubeur – et avoir apprécié leur échange. « La sécurité est bonne dans certains quartiers », observe-t-il. « Mais d’autres restent à éviter, surtout pour les touristes. »
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