Les mémoires d’un ingénieur chinois, intitulés 《在非洲打灰的1001天:一个现代化的故事》 (« 1001 jours à couler du béton en Afrique : une histoire de modernisation »), ont été récemment publiés et suscitent un vif débat sur les réseaux sociaux chinois.
L’auteur, Cao Fengze, docteur en génie civil de l’Université Tsinghua, a été ingénieur en chef sur un projet hydroélectrique chinois en Tanzanie. Son ouvrage offre un rare témoignage de première main sur la vie dans un chantier chinois isolé en Afrique, vu à travers le regard d’un professionnel chinois.
Cao décrit les défis physiques et émotionnels du travail dans des conditions extrêmes, notamment les coupures fréquentes d’eau et d’électricité, et explique même comment ils y cultivent des haricots. Il livre également ses impressions sur les ouvriers africains et les diplômés des universités locales, les analysant selon son propre prisme de développement et de progrès.
Plus que tout, les lecteurs sont fascinés par son choix personnel. Après avoir obtenu un diplôme dans le programme d’ingénierie le plus prestigieux de Chine, Cao a renoncé à un parcours bourgeois prévisible chez lui. Il a préféré passer trois ans dans un coin méconnu du monde, en quête de quelque chose qui dépasse la réussite conventionnelle. Son récit a captivé de nombreuses personnes, elles aussi désillusionnées par la pression compétitive de la vie urbaine en Chine.
Cao fait activement la promotion de son livre, en participant à plusieurs podcasts et interviews médiatiques. Les réactions du public sont mitigées. Beaucoup saluent son courage de s’éloigner de la course effrénée et apprécient ses réflexions littéraires détaillées sur l’Afrique et la modernité. D’autres critiquent son discours sur les Africains et leurs choix. Dans un podcast, il a confié sa frustration de voir les ouvriers locaux préférer des primes en argent à des avantages comme l’assurance ou la sécurité sociale, qu’il jugeait à court terme. Certains auditeurs ont estimé que cette perspective manquait de réelle empathie et traduisait une attitude condescendante à l’égard de la vie et des priorités d’autrui.
POURQUOI C’EST IMPORTANT: Dans le passé, la plupart des récits de Chinois en Afrique émanaient de petits commerçants, de jeunes sans emploi ou d’entrepreneurs modestes en quête d’opportunités. Ces histoires tournaient autour de la survie pratique, des frustrations quotidiennes et de l’ambition économique. La perspective de Cao se distingue. Son écriture mêle expertise technique, aspiration romantique et questionnement idéologique. Elle reflète une tendance croissante au sein de l’élite éduquée chinoise à rechercher un sens et des avenirs alternatifs loin de chez eux.
Alors que le rôle de la Chine en Afrique continue de s’étendre, des récits comme celui de Cao contribuent à expliquer ce que cet engagement représente au niveau humain. Le livre met aussi en lumière la tension entre le développement en tant qu’objectif et le développement en tant qu’identité, ou, selon les mots de Cao, « ce que le développement mondial signifie pour nous ». Son ouvrage parle certes de l’Afrique, mais le débat qu’il suscite concerne tout autant la Chine contemporaine.





