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Blâmer la Chine pour ses conditions de prêt ne profite en rien à l’Afrique

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On aurait pu penser que le rapport d’AidData mettrait définitivement fin à la controverse entourant la saisie supposée de l’aéroport d’Entebbe. Malheureusement, cela ne fait que jeter les bases d’un autre débat qui reflète le cadre général dans lequel on tend à aborder la question de la Chine en Afrique. Un cadre fait de suspicions et de méfiance et dans lequel les motivations de l’engagement chinois en Afrique doivent être méticuleusement décortiquées.

De la menace de saisie, le narratif porte désormais sur la nature des « contrats léonins » que Pékin «impose» aux pays africains. À la vue de cette évolution, on ne saurait se départir d’un sentiment où l’on perçoit un besoin absolu et nécessaire de démontrer le caractère prédateur et dangereux de la Chine en Afrique. 

Le traitement médiatique de la question l’aéroport d’Entebbe est symptomatique de ce besoin. L’argument de la saisie écarté et démonté par le rapport de AidData – les démentis de l’ambassadeur Chinois en Ouganda, et les garantis du gouvernement ougandais n’ayant pas suffi – ce sont désormais des conditions de prêts, jugées agressifs, qui font débat. La lecture du rapport de AidData permet en effet de découvrir des conditions très sévères exigées par la China Eximbank pour garantir le prêt dont le remboursement ne devrait débuter qu’à la fin de la période de grâce qui prend fin en fin 2022. Dans son échange avec le « China Africa Project », Deborah Brautigam qui suit les prêts chinois en Afrique rappelle que « ces conditions n’ont rien de particulièrement sévère et d’unique à la Chine … elles sont communes au sein des institutions financières habituées à prêter à des pays qui ont la réputation de ne pas rembourser leurs dettes ».

Cependant, aussi sévères que ces conditions puissent être, il serait inexact et incorrect de les présenter comme étant « imposées » aux pays africains. En effet, cette façon de présenter les choses revient à infantiliser les dirigeants africains, leur ôtant tout sens de responsabilité, rejetant exclusivement la faute sur la Chine, et finalement revenant à supposer que les dirigeants africains n’ont aucune marge de manœuvre lorsqu’ils négocient ces prêts.

Et rien n’est plus éloigné de la vérité que cela. Aussi apitoyant que cet argument puisse paraitre, elle n’aide en rien l’Afrique et encore moins ses populations qui subissent les conséquences des décisions politiques de leurs dirigeants qui, au moment de négocier ces prêts, semblent plus être préoccupés par leurs agendas personnels et politiques que par les conséquences financières et économiques rattachés à ces prêts. Ce type d’argument n’a que pour seul mérite de jouer au jeu du blâme dans lequel le blâme est placé sur la Chine. Un jeu auquel l’Afrique ne gagne substantiellement rien d’autant plus que ceux qui assignent le blâme et ceux qui en profitent – les dirigeants africains – ne sont pas dénués de toute responsabilité dans la calamite que vit le continent. Du reste, ne sont-ce pas les conditions politiques, des partenaires dits traditionnels, jugées politiquement intrusives et socialement déstabilisantes qui ont jetées les mêmes dirigeants africains dans les bras de Pékin, jugé à l’époque plus accommodant et moins invasif ?

La réalité est que les dirigeants africains jouissent d’une certaine marge de manœuvre en amont comme en aval de leurs négociations avec Pékin. Du reste, c’est l’une des conclusions à laquelle sont parvenues les auteurs du rapport de AidData. Paraphrasant les propos de Wu Peng, Directeur General du Département Afrique au ministère des affaires étrangères chinois, aucun État africain n’a été forcé de négocier avec Pékin … et encore moins d’accepter ses termes.

Le véritable problème réside souvent dans le très faible niveau de responsabilité et de redevabilité des dirigeants africains vis-à-vis de leurs institutions et peuples. La plupart jouissent d’un degré de liberté politique suffisant leur permettant de négocier et d’accepter, en toute opacité des accords de financement aux avantages politiques immédiats mais aux conditions financières strictes.

Autant qu’il a été difficile de blâmer les institutions de Breton Wood d’avoir imposé des ajustements structurels, des réformes politiques et institutionnels aux États du Sud, afin de garantir les remboursements des prêts qu’ils recevaient, autant il serait difficile de présenter Pékin et ses conditions drastiques, comme le premier et principal responsable d’une situation qui est d’abord le résultat d’un déficit institutionnel interne et de gouvernance de plusieurs pays africains. Et toute couverture médiatique ou analyse qui occulte ce pan essentiel du problème ne fait pas avancer le débat dans la direction d’une solution optimale pour l’Afrique.

Et à blâmer la Chine, l’africain moyen n’y gagne pas grand-chose. À ce jeu, seuls ceux qui voient en Pékin un danger géopolitique pour leurs intérêts en Afrique y gagnent, espérant peut-être susciter un sentiment antichinois dont ils pourraient tirer avantage. 

Cependant, toute chose restant égal par ailleurs, seront-ils prêts à consentir des prêts à des conditions politiques, financières et économiques, moins sévères et moins intrusive aux États africains? 

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